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SÉANCE COMMÉMORATIVE
DE
SRI AUROBINDO

A la Sorbonne (Paris)
Le 5 Décembre 1955
M. FILLIOZAT : Nous exprimons tous nos remerciements à M. le Professeur Schneider et, à présent, pour conclure et couronner cette commémoration, nous demanderons de bien vouloir prendre la parole à M. Jacques Rueff, Membre de l'Institut et Président du Conseil International de la Philosophie et des Sciences Humaines.

8 - Allocution de M. Jacques Rueff :

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
A ce beau monument que vous avez vu ce soir se construire sous vos, yeux, en hommage à la grande mémoire de Sri Aurobindo, je ne peux rien ajouter, ou presque rien, sinon un témoignage.

Si j'ai accepté de prendre la parole parmi vous, c'est seulement parce que j'ai eu le grand privilège, il y a quelques années, en 1951, à l'invitation de la Mère, de passer quelques jours à l'Ashram de Pondichéry.
C'était malheureusement quelques semaines après la mort du Maître; je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, mais je voudrais vous dire, très simplement et très rapidement en raison de l'heure avancée, l'impression profonde et durable que j'ai rapportée de ce séjour.
Ce souvenir est marqué par trois impressions dominantes : beauté, ferveur, intelligence.

Aucun de ceux qui ont franchi la porte de l'Ashram - et plusieurs de ceux qui m'ont précédé ici à cette tribune -vous l'ont dit - n'a pu échapper à l'ambiance de sereine beauté qui y règne.
Je ne connais rien de plus beau - je répète le mot, il n'y en a pas d'autre pour marquer mon sentiment - que la tombe de Sri Aurobindo. C'est un enclos tout simple, sous un arbre porteur de fleurs éclatantes. Les disciples viennent se recueillir autour du mausolée, dans un silence total, où vit seulement la ferveur de leur méditation. Le silence des cérémonies de l'Ashram, que ne trouble en rien la marche, pieds nus, des hommes et des femmes vêtus de blanc qui vont et viennent autour du tombeau, est un de leurs traits les plus caractéristiques et probablement l'une des sources de la sérénité où elles se déroulent.
Je voudrais évoquer aussi cette admirable cérémonie qu'est "1'office" du matin, où la Mère reçoit, porté par des fleurs soigneusement choisies, le message de ses disciples. Elle y répond dans la même langue, en choisissant avec soin, sur un grand plateau tout fleuri, le bouquet qui leur transmettra sa pensée.

Je suis arrivé à l'Ashram un soir vers 6 heures. J'ai été conduit aussitôt dans la grande cour où tous les disciples étaient rassemblés. A un commandement ils se sont formés en ordre de marche et ont commencé à défiler, avec une prodigieuse discipline, devant la Mère immobile. Après la méditation en commun, dans l'obscurité naissante, chacun d'eux s'est présenté à nouveau devant la Mère pour lui transmettre son message du soir et recevoir d'elle une dernière pensée.
La ferveur de ces cérémonies marque profondément tous ceux qui y assistent. C'est en elle que l'on baigne dès qu'on a franchi les portes de l'Ashram.

Peut-être ne savez-vous pas que les disciples, en dehors de leur vie méditative, accomplissent une journée de travail normal dans les divers ateliers de l'Ashram : boulangerie, forge, réparations d'automobiles, imprimerie. L'Ashram a - dit on - les presses les plus modernes de l'Extrême-Orient.
J'ai parcouru tous ces ateliers, les fermes aussi, car il y a plusieurs fermes. Tous ces hommes qui travaillent ont dans les yeux une telle joie, une telle sérénité, une telle dévotion à leur tâche qu'on la sent jaillie de leur vie intérieure. C'est cette joie qu'ils expriment encore quand on les retrouve le soir, aux repas ; c'est elle qu'on lit encore dans les yeux de ces hommes et de ces femmes qui parcourent les rues dans la tenue immaculée qu'évoquait tout à l'heure M. le Gouverneur Baron.

Reste le troisième trait : l'intelligence.
J'ai dû à la générosité de la Mère d'avoir à l'Ashram un petit appartement. Au cours de chacun de mes repas, j'avais le privilège de pouvoir m'entretenir avec quelques disciples.
Je voudrais vous dire la richesse de ces conversations. M. le Professeur Challaye a dit tout à l'heure : "synthèse entre l'Occident et l'Orient" ; toute une série de questions qui se posaient pour moi se sont vues éclairées par ces trop courts contacts.
J'ai été heureux d'entendre tout à l'heure M. le Gouverneur Baron prononcer le nom de Bergson. je suis étonné qu'on n'en ait pas parlé davantage ce soir, non pas que je croie à une filiation directe entre Bergson et la pensée indienne, mais parce qu'il n'est pas possible, pour ceux qui essayent de pénétrer la pensée de Sri Aurobindo, de n'être pas frappé de certaines consonnances profondes avec la pensée bergsonienne, notamment celle de l'évolution créatrice. J'irai jusqu'à dire que certains aspects de la pensée bergsonienne se sont pour moi éclairés et enrichis par la lecture des oeuvres de Sri Aurobindo et par l'interprétation que m'en ont donnée verbalement ses disciples qui l'ont si profondément pénétrée.

Tout cela a concouru, conune je vous le disais tout à l'heure, à faire pour moi de ce séjour une expérience importante, bien tardive, hélas, car c'est en 1951 qu'elle est intervenue.
J'ai noté tout à l'heure dans le message du Swâmî Siddhéswarânanda une phrase qui m'a beaucoup frappé
"L'Inde, a-t-il dit, est le pays où sont cachés les secrets de l'âme."
Eh bien, si l'Inde est le pays où sont cachés les secrets de l'âme, l'Ashram est certainement, en Inde, l'endroit où l'on peut le mieux les approcher et se préparer à les découvrir.

On dit qu'on ne revient jamais, à un certain âge, aux endroits que l'on a aimés. Si je pouvais cependant former un voeu, ce serait qu'il me fût donné de mieux pénétrer ces disciplines de l'Ashram, le secret qui donne aux disciples ce beau regard qui m'a tant frappé.
Je demande la permission, en terminant, d'envoyer une très respectueuse pensée à la Mère, un salut fervent à ses disciples, et notamment au Secrétaire Général Barbier Saint-Hilaire [= Pavitra] qui est devenu pour moi un ami et qui administre, à son rang, avec une extrême modestie, mais un don de soi total, cette grande entreprise.

M. FILLIOZAT : Je remercie au nom de tous M. Jacques Rueff.

Je n'ai rien à ajouter à toutes les paroles qui ont été dites. Nous avons évoqué l'oeuvre, l'auteur ; nous avons décrit cette oeuvre et nous savons maintenant que celle-ci devra toujours grandir dans le souvenir et la vénération de Sri Aurobindo.


Ce texte, réuni avec les autres allocutions en brochure, a été publié en 1969
par Sri Aurobindo Ashram - Pondichéry - Inde


Allocution précédente: Prof. H.W. Schneider

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