Un disciple explique aux enfants que le jour le plus court de l'année
correspond à la plus grande déclinaison du soleil au sud,
vers le 21 décembre, puis le soleil remonte au nord. Mère
reprend :
C'est pourquoi le 25 décembre était une fête de la
Lumière, longtemps avant Jésus-Christ. Cette fête
était en vogue longtemps avant le christianisme; elle a pris naissance
en Égypte et il est très probable que l'on a fixé
le jour de la naissance du Christ le même jour que celui du renouvellement
de la Lumière.
Puis Mère lit un article qu'elle a publié dans le Bulletin
d'août 1949 : "L'énergie inépuisable".
Comment se fait-il qu'à mesure que les activités mentales
augmentent, la capacité de renouveler ses énergies diminue
?
Chez les adultes, le mouvement mental tend à paralyser le mouvement
spontané d'échange des énergies. Jusqu'à l'âge
de quatorze ans, l'enfant, à part quelques rares exceptions est
un petit animal; il renouvelle ses énergies spontanément,
comme un animal, par les mêmes activités et les mêmes
échanges. Mais le mental introduit un déséquilibre
dans l'être; l'action spontanée est remplacée par
quelque chose qui veut savoir, régler, décider, etc., et
pour retrouver cette capacité de renouveler spontanément
les énergies, il faut monter à un échelon supérieur,
au-dessus de l'instinct, c'est-à-dire passer de l'activité
mentale ordinaire à l'intuition en ligne directe.
(Mère poursuit sa lecture) "Pourtant, il y a une source
d'énergie qui, une fois découverte, ne tarit jamais, quelles
que soient les circonstances extérieures et les conditions physiques
de la vie. C'est l'énergie que l'on peut qualifier de spirituelle,
celle qui est reçue non plus d'en bas, des profondeurs inconscientes,
mais d'en haut, de l'origine suprême de l'univers et de l'homme,
des splendeurs supraconscientes, toutes puissantes et éternelles.
Elle est là, partout autour de nous, pénétrant tout,
et pour entrer en contact avec elle et la recevoir, il suffit d'y aspirer
sincèrement, de s'ouvrir à elle avec foi et confiance, d'élargir
sa conscience afin de l'identifier à la Conscience universelle.
"
Dans ces articles, j'essaie de définir en termes ordinaires toute
la terminologie yoguique, car ces Bulletins s'adressent plutôt
aux gens qui mènent une vie ordinaire, mais aussi aux étudiants
du yoga - je veux parler des gens qui s'intéressent surtout à
la vie matérielle purement physique, mais qui essaient d'atteindre
plus de perfection dans leur vie physique que dans les conditions ordinaires.
C'est une tâche très difficile, mais c'est une sorte de yoga.
Ces gens s'appellent "matérialistes" et ils ont tendance
à se cabrer ou à se vexer si l'on emploie des termes yoguiques,
donc il faut parler leur langage en évitant les termes susceptibles
de les choquer. Mais j'ai connu dans ma vie beaucoup de personnes qui
se disaient "matérialistes", et qui suivaient une discipline
beaucoup plus sévère que ceux qui prétendent faire
le yoga.
Ce que nous voulons, n'est-ce pas, c'est que l'humanité progresse;
qu'elle fasse profession ou non de mener une vie yoguique importe peu,
pourvu qu'elle fasse l'effort de progrès nécessaire.
Quelle différence y a-t-il entre la méditation et la
concentration ?
La méditation est une activité purement mentale, elle n'intéresse
que l'être mental. On peut se concentrer en méditant, mais
c'est une concentration mentale; on peut obtenir un silence, mais c'est
un silence purement mental, et les autres parties de l'être, on
les tient immobiles et inactives de façon qu'elles ne dérangent
pas la méditation. Vous pouvez passer vingt heures de votre journée
en méditation, et pendant les quatre heures qui restent vous serez
un homme tout à fait ordinaire, parce que seulement le mental a
été occupé - le reste de l'être, le vital et
le physique, on fait pression sur lui pour qu'il ne dérange pas.
Dans la méditation, on ne fait rien directement pour les autres
parties de l'être.
Cette action indirecte peut avoir un effet, certainement, mais... J'ai
connu dans ma vie des gens dont la capacité de méditer était
remarquable, mais qui étaient, en dehors de leur méditation,
des gens tout à fait ordinaires, parfois de mauvais caractères,
qui devenaient furieux si leur méditation était dérangée.
Parce qu'ils avaient appris à maîtriser seulement le mental,
pas le reste.
La concentration est un état plus actif - vous pouvez vous concentrer
mentalement, vous pouvez vous concentrer vitalement, psychiquement, physiquement,
et vous pouvez vous concentrer intégralement. La concentration,
ou capacité de se rassembler en un point, est plus difficile que
la méditation. Vous pouvez rassembler une partie de l'être
ou de la conscience, ou vous pouvez rassembler la conscience tout entière
ou même des fragments de la conscience, c'est-à-dire que
la concentration peut être partielle, totale ou intégrale,
et dans chaque cas le résultat sera différent.
Si vous avez la capacité de vous concentrer, votre méditation
sera plus intéressante et plus facile. Mais on peut méditer
sans se concentrer. Beaucoup de gens dans leur méditation suivent
l'enchaînement des idées -c'est une méditation, pas
une concentration.
Peut-on distinguer le moment où l'on arrive à la concentration
parfaite et celui où, à partir de cette concentration, on
s'ouvre à l'Énergie universelle ?
Oui. Vous vous concentrez sur quelque chose, ou simplement vous vous rassemblez
autant qu'il vous est possible, et, quand vous arrivez à une
sorte de perfection dans la concentration, si vous pouvez soutenir cette
perfection suffisamment longtemps, alors une porte s'ouvre et vous passez
au-delà de la limite de votre conscience ordinaire - vous entrez
dans une connaissance plus profonde et plus haute. Ou vous passez au-dedans.
Alors vous pouvez éprouver comme un éblouissement de lumière,
un émerveillement intérieur, une béatitude, une connaissance
complète, un silence total. Il y a beaucoup de possibilités,
n'est-ce pas, mais le phénomène est toujours le même.
Pour avoir cette expérience, tout dépend de votre capacité
de maintenir suffisamment longtemps votre concentration à son plus
haut point de perfection.
Pour avoir cette expérience, faut-il chaque fois se concentrer
?
Au début, oui, car on n'a pas la capacité de garder ce que
l'on a acquis, ou de maintenir la concentration à son maximum -
on reglisse en arrière et on perd jusqu'au souvenir de l'expérience
que l'on a eue. Mais si vous suivez un chemin une fois, il est plus facile
de suivre le même chemin une deuxième fois, et ainsi de suite.
La seconde concentration est donc plus facile que la première.
Il faut persévérer dans sa concentration, jusqu'à
ce que l'on arrive au moment où l'on ne perd plus le contact intérieur.
A partir de ce moment-là, il faut rester dans cette conscience
intérieure et supérieure, d'où l'on peut tout faire.
On voit le corps et la matière et on sait ce qu'il faut faire,
et comment le faire.
C'est là le premier but de la concentration, mais pas le dernier
naturellement!
Pour arriver à cette concentration-là, il faut beaucoup
d'efforts; un résultat immédiat ou même rapide est
rarement possible. Mais si la porte intérieure a été
ouverte une fois, vous pouvez être certain qu'elle s'ouvrira de
nouveau, si vous savez persévérer.
Tant que la porte n'a pas été ouverte, vous pouvez douter
de votre capacité, mais une fois ouverte, il n'y a plus de doute
possible, si vous continuez à aspirer et à vouloir.
Cette expérience a une valeur considérable.
Que veut dire "Mother
of Dreams" ?
Quand il parle de la "Conscience immobile et sereine", Sri Aurobindo
emploie souvent des termes poétiques, qui sont très évocateurs.
Il s'est servi du terme "Mère des
Rêves", parce qu'il s'est mis à la place de
celui d'en bas, qui voit, qui aperçoit quelque chose de mystérieux,
de tout à fait merveilleux, inaccessible et presque incompréhensible;
mais si vous regardez d'un autre point de vue, vous pouvez dire que c'est
la Conscience créatrice, l'Origine de l'univers, la Mère
universelle, le Pouvoir créateur , etc.
Si l'on joue mal, on trouve que l'on n'a pas d'énergie, mais
si l'on joue bien, avec beaucoup d'enthousiasme, on trouve que l'énergie
vient. Pourquoi ?
C'est parfaitement vrai. Pour entrer, en contact avec l'énergie
terrestre, il faut établir une certaine harmonie au-dedans de soi.
Si l'on connaît bien le jeu, si l'on sait faire les mouvements et
que l'on s'intéresse avec enthousiasme, si l'on a une certaine
ambition (assez enfantine peut-être), un certain désir de
gagner, au fur et à mesure que l'on réussit, on éprouve
une sorte de joie intérieure, pas très profonde peut-être,
mais qui crée l'harmonie nécessaire à l'échange
d'énergie. Au contraire, ceux qui ne savent pas accepter la défaite,
qui se fâchent et deviennent de mauvaise humeur quand tout ne va
pas selon leur volonté, perdent leur énergie de plus en
plus.
Aussi, si on se laisse aller à la dépression, on coupe toute
source d'énergie - d'en haut, d'en bas, partout; c'est la meilleure
manière de tomber dans l'inertie. Il faut se refuser absolument
à être déprimé. [Note: à l'époque
de Mère, ce terme signifie "très découragé"]
La dépression [= le grand découragement] est toujours
le signe d'un égoïsme aigu. Quand vous sentez qu'elle approche,
dites-vous : "Je suis dans un état de maladie égoïste
dont je dois me guérir."
La Mère
"Entretiens 1950-1951" (pages 8-13)
publié par Sri
Aurobindo Ashram - Pondichéry
diffusé par SABDA
(Une édition française aux Éditions Stock a existé
en 1981)
Entretien précédent: 23 décembre
1950
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