Mère lit un article qu'elle a écrit pour le Bulletin
"Concentration et dispersion" (Bulletin
d'avril 1949)
Pour résoudre un problème, apprendre une leçon, il
faut beaucoup de concentration et d'attention, tout le monde le sait -
une attention et une concentration intellectuelle. Mais la concentration
n'est pas seulement une chose intellectuelle, elle peut se trouver dans
toutes les activités de l'être, y compris les activités
corporelles. Le contrôle de vos nerfs doit être tel qu'il
vous permette une entière concentration sur ce que vous faites
et, par l'intensité même de votre concentration, vous arrivez
à ce que la réponse au choc extérieur soit immédiate.
Pour arriver à cette concentration il faut un contrôle conscient
des énergies.
Êtes-vous conscient des énergies que vous recevez et que
vous dépensez?
On est plus ou moins conscient de l'énergie que l'on dépense,
spécialement quand on en dépense trop ! Il s'agit ici d'un
échange constant entre la réception et la dépense
des énergies. Avant l'âge de raison, les petits enfants reçoivent
beaucoup d'énergie et ils la dépensent abondamment, sans
penser, ce qui leur permet de jouer des heures entières sans fatigue.
Mais au fur et à mesure que la pensée se développe,
on commence à mesurer et à calculer ses dépenses
d'énergie - généralement cela ne sert à rien,
car, à moins que vous n'ayez la connaissance du procédé
pour recevoir des énergies, il vaut mieux dépenser librement
celles que vous recevez plutôt que de les laisser croupir en vous.
Premièrement, il faut devenir conscient de la réception
des énergies, de leur passage dans l'être et de leur dépense.
Ensuite, il faut avoir une sorte d'instinct supérieur qui vous
fait sentir d'où viennent les énergies les plus favorables;
alors on se met en contact avec elles par la pensée, le repos,
ou un autre procédé quelconque - il y en a beaucoup. Il
faut savoir l'énergie que l'on veut, d'où elle vient et
en quoi elle consiste. Après, vient le contrôle de l'énergie
reçue. Quatre-vingt-dix pour cent des êtres n'absorbent pas
assez d'énergie, ou ils en absorbent trop, ou ils n'assimilent
pas ce qu'ils absorbent : dès qu'ils ont reçu une dose suffisante,
ils la jettent immédiatement dehors, en s'agitant, en parlant,
en criant, etc. Il faut savoir garder au-dedans de vous l'énergie
reçue et la concentrer entièrement sur l'activité
voulue, et pas sur autre chose. Si vous pouvez faire cela, vous n'aurez
pas besoin de vous servir de votre volonté. Il faut simplement
rassembler toutes les énergies reçues et les utiliser consciemment,
se concentrer avec le maximum d'attention pour faire tout ce que l'on
veut.
Et il faut savoir attacher une valeur réelle à ce que l'on
veut faire - ce que la partie supérieure de votre être veut
faire -, car faire ce que l'on désire faire n'est pas difficile.
Qu'est-ce que la concentration?
C'est ramener tous les fils dispersés de la conscience sur un seul
point, une seule idée. Ceux qui peuvent réaliser l'attention
parfaite, réussissent tout ce qu'ils entreprennent, ils feront
toujours beaucoup de progrès. Et cette concentration-là
se développe tout comme des muscles; on peut suivre différents
systèmes, différentes méthodes d'entraînement.
On sait aujourd'hui que l'être le plus chétif, par exemple,
peut, avec de la discipline, devenir aussi fort que les autres. Il ne
faut pas avoir une volonté qui s'éteint comme une chandelle.
La volonté, la concentration doit se cultiver, c'est une question
de méthode, d'exercice régulier. Si vous voulez, vous pouvez.
Mais il ne faut pas que la pensée "à quoi bon ?"
vienne affaiblir la volonté. L'idée que l'on est né
avec un caractère et qu'on n'y peut rien est une ânerie.
La Mère
"Entretiens 1950-1951" (pages 5-7)
publié par Sri
Aurobindo Ashram - Pondichéry
diffusé par SABDA
(Une édition française aux Éditions Stock a existé
en 1981)
Entretien précédent: 21 décembre
1950
Entretien suivant: 25 décembre 1950
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