Retour
à l'index
|
L'Homme, le Pourousha
Dieu ne peut cesser de se pencher vers la Nature, ni l'homme d'aspirer
à la divinité. C'est la relation éternelle du fini
à l'infini. Quand ils semblent se détourner l'un de l'autre,
c'est pour s'élancer vers une plus intime rencontre.
Dans l'homme, la nature du monde redevient consciente de soi afin de
faire un plus grand bond vers son Possesseur. C'est ce Possesseur que,
sans le savoir, elle possède, que la vie et la sensation nient,
tout en le possédant, et cherchent, tout en le niant. Si la nature
du monde ne connaît pas Dieu, c'est qu'elle ne se connaît
pas elle-même; quand elle se connaîtra elle-même,
elle connaîtra une joie d'être sans mélange.
Posséder dans l'unité et non se perdre dans l'unité,
tel est le secret. Dieu et l'homme, le monde et l'au-delà deviennent
un quand ils se connaissent l'un l'autre. Leur division est la cause
de l'ignorance, de même que l'ignorance est la cause de la souffrance.
Tout d'abord, l'homme cherche aveuglément, et il ne sait même
pas qu'il cherche son moi divin, car son point de départ est
l'obscurité de la Nature matérielle, et même quand
il commence à voir, il reste longtemps aveuglé par la
lumière qui croît en lui. Dieu aussi ne répond qu'obscurément
à sa quête; il recherche l'aveuglement de l'homme et en
jouit comme des mains d'un petit enfant qui tâtonne vers sa mère.
Dieu et la Nature sont comme un garçon et une fille qui jouent,
amoureux l'un de l'autre. Ils se cachent et s'enfuient quand ils s'aperçoivent,
afin de pouvoir se chercher, se poursuivre et se capturer.
L'homme est Dieu se cachant de la Nature pour pouvoir la posséder
par la lutte, l'obstination, la violence, la surprise. Dieu est l'Homme
universel et transcendant qui, dans l'être humain, se cache à
sa propre individualité.
L'animal est l'Homme déguisé sous une peau velue et marchant
à quatre pattes. Le ver est l'Homme qui se tortille et rampe
vers le développement de son humanité. Même les
formes brutes de la matière sont l'Homme dans un corps rudimentaire.
Toutes choses sont l'Homme, le Pourousha.
Car, que voulons-nous dire par Homme ? Une âme incréée
et indestructible qui a fait sa demeure dans un mental et un corps créés
de ses propres éléments.
Sri Aurobindo
(1914 ou avant ?)
Traduction de La Mère.
dans le fascicule "Aperçus et Pensées" -
1956 - (pages 6-7)
publié par Sri
Aurobindo Ashram - Pondichéry
diffusion par SABDA
aussi dans les pages préliminaires au recueil de Sri Aurobindo
: "Pensées et Aphorismes - tome 1" (aphorismes commentés
par la Mère)
chez Buchet-Chastel, Paris (1975) - (pages 7-8)
|