Tu as dit : "Vous devez être vigilants et ne pas vous
servir du Divin comme d'un beau manteau pour couvrir la satisfaction
de vos désirs."
(Entretiens 1929, 14 avril)
Beaucoup de gens adoptent certaines théories, dont quelques-unes
sont très commodes, et ils disent : "Tout est l'effet de la
volonté divine." Il y en a d'autres qui disent : "Le
Divin est partout et en tout, et fait tout"; d'autres disent : "Ma
volonté est unie à la Volonté divine, c'est Lui qui
m'inspire." Enfin, il y a beaucoup de théories et ils disent
cela. Naturellement, leur ego est aussi vivant. Ils font tout ce qu'ils
désirent faire en disant : "C'est le Divin qui le fait en
moi." Tout ce que peut fournir leur tête est la "Volonté
divine". Ce n'est pas une inspiration personnelle : "Tout est
l'effet de la Volonté divine." "Ce n'est pas moi qui
agis, c'est le Divin qui agit à travers moi." Ils font tout
ce qu'ils ont envie de faire. Des gens comme cela, il y en a beaucoup.
Alors j'ai dit : "Ne vous servez pas du Divin comme d'un beau manteau
pour cacher vos désirs."
"Le tout est d'être sincère. Si vous n'êtes
pas sincère, n'entreprenez pas le yoga."
(Ibid.)
La sincérité est peut-être de toutes choses la plus
difficile, et peut-être est-ce aussi la plus efficace.
Si vous avez une sincérité parfaite, vous êtes sûrs
de la victoire. C'est infiniment difficile. La sincérité
consiste à faire que tous les éléments de l'être,
tous les mouvements (que ce soient les mouvements extérieurs ou
les mouvements intérieurs), toutes les parties de l'être
aient toutes une volonté égale d'appartenir au Divin, de
ne vivre que pour le Divin, de ne vouloir que ce que le Divin veut, de
n'exprimer que la Volonté divine, de n'avoir d'autre source d'énergie
que celle du Divin.
Et vous vous apercevez qu'il n'y a pas de jour, pas d'heure, pas de minute
où il ne faut intensifier, rectifier votre sincérité
- un refus absolu de tromperie du Divin. La première chose est
de ne pas se tromper soi-même. On sait que l'on ne peut pas tromper
le Divin; même le plus habile des Asoura ne peut pas tromper le
Divin. Mais même quand on a compris cela, on voit que bien souvent
dans sa vie, dans sa journée, on essaie de se tromper soi-même
sans même le savoir, d'une façon spontanée et presque
automatique. On donne toujours des explications favorables à tout
ce que l'on fait, à ses paroles, à ses actes. C'est ce qui
vient d'abord. Je ne parle pas de grosses bêtises comme de se quereller
et de dire : "C'est la faute de l'autre", je parle des toutes
petites choses de la vie quotidienne.
Je connais un enfant qui s'était cogné contre la porte et
qui a donné un bon coup de pied dans la porte ! C'est la même
chose. C'est toujours l'autre qui a tort, qui a commis la faute. Même
quand on a dépassé le stade de l'enfant, quand on a un peu
de raison, on donne encore la plus sotte de toutes les excuses : "S'il
n'avait pas fait cela, je n'aurais pas fait ceci." Mais c'est justement
le contraire qui doit se produire!
C'est cela que j'appelle être sincère. Quand vous êtes
avec quelqu'un, si vous êtes sincères, instantanément
votre façon de réagir doit être de faire la chose
vraie, même quand vous êtes en présence d'une personne
qui ne la fait pas. Prenez l'exemple le plus commun de celui qui se met
en colère. Au lieu de dire des choses qui font souffrir, on ne
dit rien, on reste tranquille, calme, on ne subit pas la contagion de
la colère. Vous n'avez qu'à vous regarder vous-mêmes
pour voir si c'est facile. C'est une chose tout à fait élémentaire,
un tout petit commencement pour savoir si vous êtes sincères.
Et je ne parle pas de ceux qui subissent toutes les contagions, même
celles des plaisanteries grossières, ni de ceux qui font la même
bêtise que les autres.
Je vous dis : si vous vous regardez avec des yeux aigus, vous attraperez
en vous des insincérités par centaines, même si dans
votre attitude générale vous essayez d'être sincères.
Vous verrez comme c'est difficile.
Je vous dis : si vous êtes sincères dans tous les éléments
de votre être, jusque dans les cellules de votre corps, et que tout
votre être intégralement veuille le Divin, vous êtes
sûrs de la victoire, mais pas à moins de cela. C'est cela
que j'appelle être sincère.
Je ne parle pas de choses grossières comme d'obéir à
ses impulsions, à ses caprices et de dire : "Je ne m'appartiens
plus, j'appartiens au Divin; c'est le Divin qui fait, tout en moi, qui
agit en moi cela, c'est assez grossier. Je parle de gens plus raffinés,
un peu plus nobles, qui mettent un joli manteau pour couvrir leurs désirs.
Combien de choses dans votre journée, combien de pensées,
combien de sensations, combien de gestes sont-ils exclusivement tournés
vers le Divin dans une aspiration ? Combien ? Je crois que si vous en
avez un seul dans votre journée, vous pouvez mettre une croix blanche.
Quand je dis "Si vous êtes sincères, vous êtes
sûrs de la victoire" je veux parler de la vraie sincérité
: être constamment la vraie flamme qui brûle comme une offrande.
Cette joie intense de n'exister que par le Divin et pour le Divin, et
que sans Lui rien n'existe, que la vie n'a plus de sens, que rien n'a
de raison d'être, rien n'a de valeur, rien n'a d'intérêt,
si ce n'est cet appel, cette aspiration, cette ouverture à la Vérité
suprême, à tout ce que nous appelons le Divin (parce qu'il
faut se servir d'un mot), la seule raison d'être de l'univers. Enlevez
cela et tout disparaît.
La Mère
"Entretiens 1953" (pages 6-9)
publié par Sri
Aurobindo Ashram - Pondichéry
diffusé par SABDA
Entretien précédent: 18 mars 1953
Entretien suivant: 1er avril 1953
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