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L'ENSEIGNEMENT
DE SRI AUROBINDO
(en 1934)
par Sri Aurobindo lui-même
Original anglais ici
L'enseignement de Sri Aurobindo prend pour point de départ celui
des anciens sages de l'Inde : derrière les apparences de l'univers
se trouve la Réalité d'un Être, d'une Conscience,
Moi de toutes choses, unique et éternel. Tous les êtres sont
unis dans ce Moi, dans cet Esprit unique, tout en étant divisés
parce que dans le mental, la vie et le corps, la conscience revêt
un caractère séparateur qui leur fait ignorer leur vrai
Moi et leur vraie Réalité. Par une certaine discipline psychologique,
nous pouvons retirer ce voile de la conscience séparatrice et devenir
conscients du vrai Moi, de la Divinité en nous et en tous.
Selon l'enseignement de Sri Aurobindo, cet Être, Conscience unique,
est involué ici-bas dans la Matière. Il se libère
progressivement par l'évolution; la conscience apparaît dans
ce qui semble inconscient et, dès son apparition, elle est d'elle-même
poussée à s'élever toujours plus haut tout en s'élargissant
et en évoluant vers une plus grande perfection. La vie est la première
étape de cette libération de la conscience ; le mental en
est la seconde ; mais le mental n'est pas le terme de l'évolution,
il attend de pouvoir s'élargir en quelque chose de plus grand,
en une conscience spirituelle et supramentale. La prochaine étape
de l'évolution doit faire du Supramental et de l'Esprit le pouvoir
dominant dans l'être conscient. Car alors seulement la Divinité
involuée dans les choses se libérera entièrement,
et la vie deviendra capable de manifester la perfection.
Mais alors que la Nature a parcouru les étapes précédentes
de l'évolution sans qu'il existe, dans la vie végétale
et animale, une volonté consciente, en l'homme elle a la possibilité
d'évoluer en utilisant la volonté consciente de son instrument.
Cette évolution ne peut cependant s'accomplir tout entière
par la volonté mentale de l'homme, car le mental, une fois qu'il
a atteint un certain point, ne peut plus que tourner en rond. Une conversion,
un renversement de la conscience doit s'opérer, grâce auquel
le mental se transformera en un principe supérieur. Le moyen d'effectuer
ce renversement se trouve dans l'ancienne discipline psychologique du
yoga et dans sa pratique. Dans le passé, cette tentative se traduisait
par un retrait hors du monde et une disparition dans les hauteurs du Moi
ou Esprit. Sri Aurobindo enseigne qu'une descente de ce principe supérieur
est possible, descente qui libérera le Moi spirituel, non seulement
du monde, mais dans le monde, remplacera l'ignorance du mental, ou sa
connaissance très limitée, par une Conscience-de-Vérité
supramentale qui sera un instrument digne du Moi intérieur, et
permettra à l'être humain de se trouver dynamiquement autant
qu'intérieurement, et le fera sortir de l'espèce humaine
et de sa condition encore animale et accéder à une espèce
plus divine. La discipline psychologique du yoga peut être utilisée
à cette fin, car elle ouvre toutes les parties de l'être
à une conversion ou transformation qui se fera par la descente
et l'action du principe supramental supérieur non encore révélé.
Cela ne peut cependant se faire d'emblée ou en peu de temps, ni
par une transformation rapide ou miraculeuse. Le chercheur doit franchir
bien des étapes avant que la descente supramentale soit possible.
L'homme vit surtout à la surface de son mental, de sa vie et de
son corps, mais au-dedans de lui se trouve un être intérieur
aux possibilités plus vastes, auquel il doit s'éveiller;
car à présent il n'en reçoit qu'une influence très
réduite qui le pousse à rechercher sans cesse une beauté,
une harmonie, une puissance et une connaissance plus grandes. Son premier
pas dans le yoga consiste donc à ouvrir les domaines de cet être
intérieur et à y vivre, en gouvernant de là la vie
extérieure par une lumière et une force intérieures.
Ce faisant, il découvrira en lui son âme véritable,
qui n'est pas ce mélange d'éléments mentaux, vitaux
et physiques à la surface, mais quelque chose qui participe de
la Réalité cachée derrière eux, étincelle
du Feu divin unique. Il lui faut apprendre à vivre dans son âme
dont l'élan vers la Vérité le portera à purifier
et à orienter le reste de sa nature. Ensuite pourront se produire
une ouverture vers le haut et la descente d'un principe supérieur
de l' Être. Même alors, cependant, la Lumière et la
Force supramentales n'apparaissent pas immédiatement dans leur
plénitude. Car de nombreux plans de conscience s'étagent
entre le mental ordinaire de l'homme et la Conscience-de-Vérité
supramentale. Il faut ouvrir ces plans intermédiaires et faire
descendre leur pouvoir dans le mental, la vie et le corps. Ensuite seulement
le plein pouvoir de la Conscience-de-Vérité pourra agir
dans la nature. Le processus de cette auto-discipline ou sâdhanâ
est par conséquent long et difficile, mais en effectuer ne serait-ce
qu'une petite partie est autant de gagné, car la possibilité
d'atteindre ultérieurement la libération et la perfection
en est accrue.
Nombre d'éléments appartenant aux anciens systèmes
sont nécessaires sur le chemin : ouvrir plus largement le mental,
l'ouvrir au Moi et à l'Infini, émerger dans ce que l'on
a appelé la Conscience Cosmique, dominer les désirs et les
passions. Un ascétisme extérieur n'est pas essentiel, mais
la conquête du désir et de l'attachement et la maîtrise
du corps, de ses besoins, de ses appétits et de ses instincts sont
indispensables. Les principes des anciens systèmes se combinent
: la voie de la Connaissance, par le mental qui apprend à discerner
entre la Réalité et les apparences, la voie du Coeur, qui
est celle de la dévotion, de l'amour et de la soumission, et la
voie des Oeuvres, où la volonté se détourne des motifs
d'intérêt personnel pour se diriger vers la Vérité
et le service d'une Réalité plus grande que celle de l'ego.
Car il faut préparer l'être tout entier à répondre
et à se transformer lorsque la Lumière et la Force plus
grandes pourront se mettre à l'oeuvre dans la nature.
Dans cette discipline, l'inspiration du Maître et, lors des phases
difficiles, son autorité et sa présence sont indispensables,
car il serait impossible autrement d'aller jusqu'au bout sans commettre
quantité de faux-pas et d'erreurs qui s'opposeraient à toute
chance de succès. Est Maître celui qui s'est élevé
à une conscience et à un être supérieurs dont
il est souvent considéré comme la manifestation et le représentant.
Il aide non seulement par son enseignement, mais plus encore par son influence
et son exemple, par son pouvoir de communiquer aux autres sa propre expérience.
Tel est l'enseignement de Sri Aurobindo et sa méthode de mise en
pratique. Son dessein n'est pas d'élaborer une quelconque religion,
d'amalgamer les religions anciennes ou d'en fonder une nouvelle : car l'un
ou l'autre de ces objectifs l'écarterait de son but central.
Le seul but de son yoga est un développement intérieur
grâce auquel tous ceux qui le pratiquent pourront, le moment venu,
découvrir le Moi unique en tous et élaborer une conscience
spirituelle et supramentale qui transformera et divinisera la nature humaine.
Sri Aurobindo a écrit lui-même l'original
anglais de "L'Enseignement de Sri Aurobindo" en 1934, comme
élément d'un livret édité par l'Ashram intitulé
"Sri Aurobindo et son Ashram". Il y parle de lui à la troisième
personne.
La première édition française date de 1988.
Edité par Sri
Aurobindo Ashram - Pondichéry - Inde
diffusion par SABDA |