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SRI AUROBINDO

Lettres sur le Yoga

Plans et parties de l'être:

1: La Conscience
Partie 1 - Section 5

Plans et parties de l'être


Sous-section 1: La Conscience


Les hommes ne se connaissent pas eux-mêmes et n'ont pas appris à distinguer les différentes parties de leur être; d'ordinaire, ils les réunissent en bloc sous le nom de mental, parce que c'est par la voie d'une perception et d'une compréhension mentales ou mentalisées qu'ils les connaissent ou les sentent. C'est pourquoi ils ne comprennent pas leurs propres états de conscience, leurs propres actions, ou en tout cas ils ne les comprennent que superficiellement. Devenir conscient de la grande complexité de notre nature, voir les différentes forces qui la font mouvoir, établir sur elle le contrôle de la connaissance directrice, sont autant d'éléments fondamentaux du yoga.
Nous sommes composés de nombreuses parties, et chacune apporte sa part au mouvement total de notre conscience, de notre pensée, notre volonté, nos sensations, sentiments et actions. Mais nous ne voyons ni l'origine ni la trajectoire de ces impulsions : nous percevons seulement leurs résultats de surface, confus et pêle-mêle, et nous ne savons rien leur imposer de mieux qu'un ordre précaire et changeant tout au plus.
Le remède ne peut venir que des parties de l'être déjà tournées vers la lumière. Appeler et faire descendre en soi la lumière de la Conscience divine, faire passer l'être psychique au premier plan, allumer une flamme d'aspiration qui éveillera spirituellement le mental extérieur et embrasera l'être vital, telle est la solution.
(Traduction de La Mère)

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Chaque partie de l'être a sa nature propre; il est même possible que différentes natures soient contenues dans une seule partie.

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Selon mon expérience, la conscience n'est pas un phénomène dépendant des réactions de la personnalité aux forces de la Nature et réduit à une vision ou à une interprétation de ces réactions. S'il en était ainsi, lorsque la personnalité devient silencieuse et immobile, et qu'elle ne réagit pas, il n'y aurait pas de conscience puisqu'elle ne verrait plus et n'interpréterait plus. Cela est en contradiction avec certaines expériences fondamentales du yoga, par exemple celle d'une conscience silencieuse et immobile s'étendant à l'infini, ne dépendant pas de la personnalité mais impersonnelle et universelle, ne voyant pas et n'interprétant pas les contacts mais consciente d'elle-même dans l'immobilité, ne dépendant pas des réactions mais permanente en soi, même lorsque aucune réaction ne se produit. La personnalité subjective elle-même est seulement une formation de conscience qui est un pouvoir inhérent, non à l'activité de la personnalité temporairement manifestée, mais à l'être, au Moi ou Pourousha.
La conscience est une réalité inhérente à l'existence. Elle est là, même quand elle n'est pas active à la surface, mais silencieuse et immobile; elle est là, même quand elle est invisible à la surface, quand elle ne réagit pas aux objets extérieurs ou y est insensible, mais qu'elle est retirée et active ou inactive au-dedans; elle est là, même quand elle nous semble tout à fait absente et que l'être paraît à nos yeux inconscient et inanimé.
La conscience n'est pas seulement le pouvoir de se percevoir soi-même et de percevoir les choses, elle est ou possède aussi une énergie dynamique et créatrice. Elle peut déterminer ses propres réactions ou s'abstenir de réagir; elle peut non seulement répondre aux forces, mais créer des forces ou en émaner. La conscience est Chit, mais aussi Chit Shakti.
La conscience est habituellement identifiée au mental, mais la conscience mentale n'est que le domaine humain et ne couvre pas plus tous les domaines possibles de conscience que la vision humaine ne couvre toute la gamme des couleurs, ou l'ouïe humaine toute la gamme des sons - car au-dessus et au-dessous, bien des degrés sont pour l'homme invisibles et inaudibles. Il y a de même des domaines de conscience au-dessus et au-dessous du domaine humain, avec lesquels l'homme normal n'a aucun contact et qui lui semblent inconscients: les domaines du supramental, du surmental et du sous-mental.
Quand Yâjnavalkya dit qu'il n'y a pas de conscience dans l'état du Brahman, il parle de la conscience telle que l'être humain la connaît. L'état du Brahman est celui d'une existence suprême suprêmement consciente d'elle-même, swayamprakâsha - c'est Satchidânanda, Existence-Conscience-Béatitude. Même s'il est décrit comme au-delà de Cela, parâtparam, cela ne signifie pas qu'il est un état de Non-existence ou de Non-conscience, mais qu'il est au-delà même du substrat spirituel le plus élevé (la "fondation au-dessus" selon le paradoxe lumineux du Rig-Véda) de l'existence et de la conscience cosmiques. Selon la description du Tao chinois et du Shoûnya bouddhiste, il s'agit de toute évidence d'un Néant qui contient tout; il en est de même ici de la négation de la conscience. Les termes supraconscient et subconscient ne sont que relatifs; à mesure que nous nous élevons dans le supraconscient, nous voyons que c'est une conscience plus grande que la plus haute que nous ayons déjà atteinte, et par conséquent, dans notre état normal, elle est pour nous inaccessible; si nous pouvons descendre dans le subconscient, nous y trouvons une conscience autre que la nôtre à sa limite mentale inférieure, qui par conséquent nous est d'ordinaire inaccessible. L'inconscient lui-même n'est qu'un état involué de conscience qui, comme le Tao ou le Shoûnya, bien que d'une manière différente, contient toutes choses comprimées en lui, de sorte que sous une pression d'en haut ou du dedans, tout peut évoluer hors de lui - "Âme inerte dotée d'une Force somnambule".
Les gradations de la conscience sont des états universels qui ne dépendent pas de la vision de la personnalité subjective; c'est plutôt la vision de la personnalité subjective qui est déterminée par le niveau de conscience dans lequel elle est organisée, selon la nature de son type ou le stade de son évolution.
Il devient évident que la conscience désigne quelque chose qui est partout essentiellement semblable, mais qui varie en état, en condition et en mode d'action; en elle, à certains niveaux ou dans certaines conditions, les activités que nous appelons conscience peuvent exister, dans un état soit comprimé, soit inorganisé, soit organisé différemment; alors que dans d'autres états, certaines autres activités peuvent se manifester qui, en nous, sont réprimées, inorganisées ou latentes, ou encore se manifestent moins parfaitement, sont moins intenses, moins étendues et moins puissantes que dans ces degrés supérieurs à notre limite mentale la plus haute.

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Tout dépend du lieu où la conscience se place et se concentre. Si la conscience se place ou se concentre dans l'ego, vous vous identifiez à l'ego; si elle se place ou se concentre dans le mental, elle s'identifie au mental et à ses activités, et ainsi de suite. Si la conscience exerce sa pression au dehors, on dit qu'elle vit dans l'être extérieur, qu'elle oublie son mental et son vital intérieurs comme son psychique le plus profond; si elle va au-dedans, qu'elle y exerce une pression centralisatrice, alors elle se connaît comme l'être intérieur ou, plus profondément encore, comme l'être psychique; si elle s'élève hors du corps jusqu'aux plans où le moi est naturellement conscient de son immensité et de sa liberté, elle se connaît comme le Moi et non le mental, la vie ou le corps. Toute la différence provient du point où s'exerce cette pression de la conscience. C'est pourquoi il faut concentrer la conscience dans le coeur ou dans le mental afin d'aller au-dedans ou au-dessus: la position de la conscience détermine tout, fait qu'on est plutôt mental, vital, physique ou psychique, enchaîné ou libre, séparé dans le Pourousha ou involué dans la Prakriti.

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La conscience n'a pas besoin d'un "je" clair et individuel pour exercer de diverses façons sa pression centralisatrice: quel que soit le lieu où elle la place, le "je" s'y attache, de sorte qu'on se considère soi-même comme un être mental, un être physique ou n'importe quoi d'autre. La conscience en moi peut s'organiser d'une manière ou d'une autre; elle peut descendre dans le physique et y travailler sur la nature physique, gardant tout le reste à l'arrière-plan ou au-dessus pendant un certain temps; ou elle peut monter au-dessus de la tête et se tenir alors au-dessus du mental, de la vie et du corps, les voyant ainsi comme des formes instrumentales inférieures d'elle-même, ou ne les voyant pas du tout, plongée dans le Moi libre et indifférencié; ou elle peut se jeter dans une conscience cosmique active et dynamique et s'y identifier, ou encore faire toutes sortes d'autres choses sans recourir à cette mouche du coche qui se mêle de tout, à laquelle on accorde beaucoup trop d'importance, et que vous appelez le "je" clair et individuel. Le vrai "je" - si vous tenez à ce mot - n'est pas "clair et individuel", il n'est pas un ego séparé, nettement délimité, il est aussi vaste que l'univers et même plus vaste, il peut contenir l'univers en lui, mais ce n'est pas l'Ahamkâr, c'est l'Âtman.
La conscience est un élément fondamental, l'élément fondamental de l'existence - c'est l'énergie, l'impulsion, le mouvement de conscience qui crée l'univers et tout ce qu'il contient: non seulement le macrocosme, mais aussi le microcosme ne sont rien d'autre que de la conscience en train de s'organiser. Par exemple, quand la conscience dans son mouvement ou plutôt dans une certaine intensité de mouvement s'oublie dans l'action, elle devient une énergie apparemment "inconsciente"; quand elle s'oublie dans la forme, elle devient l'électron, l'atome, l'objet matériel. En réalité, c'est toujours la conscience qui est à l'oeuvre dans l'énergie et détermine la forme et l'évolution de la forme. Quand elle veut se libérer de la Matière, lentement, par évolution, mais toujours dans la forme, elle émerge en vie, en animal, en homme, et elle peut continuer à évoluer en sortant plus encore de son involution et devenir quelque chose de plus qu'un homme. Si vous pouvez saisir cela, alors il ne devrait pas vous être très difficile de voir ensuite qu'elle peut se formuler subjectivement en conscience physique, vitale, mentale, psychique; toutes sont présentes en l'homme, mais comme elles sont toutes mélangées dans la conscience extérieure et que leur état véritable reste à l'arrière-plan dans l'être intérieur, on ne peut devenir pleinement conscient de leur présence qu'en élargissant la limitation imposée à l'origine par la conscience, qui nous fait vivre dans notre être extérieur, en s'éveillant et en se centrant au-dedans sur l'être intérieur. Comme la conscience en nous, lorsqu'elle se concentre ou se place principalement à l'extérieur, doit renvoyer tout cela à l'arrière-plan, derrière un mur ou un voile, elle doit détruire le mur ou le voile et revenir se concentrer dans ces parties intérieures de l'existence - c'est ce que nous appelons vivre au-dedans; alors notre être extérieur nous paraît petit et superficiel, nous sommes, ou pouvons devenir conscients du royaume intérieur, vaste, riche, inépuisable. En même temps, la conscience en nous a placé un couvercle, un écran - appelez cela comme vous voulez - entre les plans inférieurs du mental, de la vie, du corps soutenus par le psychique, et les plans supérieurs qui contiennent les royaumes spirituels où le moi est toujours libre et sans limite, et elle peut briser ou ouvrir le couvercle, l'écran, monter dans ces plans supérieurs et devenir le Moi libre, vaste et lumineux, ou faire descendre l'influence, le reflet et finalement même la présence et le pouvoir de la conscience supérieure dans la nature inférieure.
C'est donc cela la conscience: elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle. Évidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle conscience, parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.
C'est tout pour le moment. Il faudra que vous vous arrêtiez là-dessus - car c'est fondamental - avant qu'il soit utile d'aller plus loin.

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La Conscience est faite de deux éléments: la perception du moi, des choses et des forces, et le pouvoir conscient. La perception est la première nécessité, vous devez percevoir les choses dans la conscience juste, de la manière juste, les voir dans leur vérité; mais la perception en elle-même ne suffit pas. Il doit y avoir une Volonté et une Force qui rendent la conscience efficace. L'un peut avoir la pleine conscience de ce qui doit être changé, de ce qui doit partir et de ce qui doit le remplacer, mais il peut se trouver dans l'incapacité d'opérer le changement. Un autre peut avoir la force de volonté, mais faute d'avoir une perception juste, être incapable de l'appliquer de la bonne manière au bon endroit. L'avantage, quand vous êtes dans la vraie conscience, est que vous avez la perception juste, et comme sa volonté est en harmonie avec la volonté de la Mère, vous pouvez appeler la Force de la Mère pour qu'elle opère le changement. Ceux qui vivent dans le mental et le vital ne sont pas capables de le faire aussi bien; ils sont obligés d'utiliser principalement leur effort personnel, et comme la perception, la volonté et la force du mental et du vital sont divisées et imparfaites, le travail effectué est imparfait et n'est pas définitif. C'est seulement dans le supramental que la Perception, la Volonté, la Force sont toujours un seul mouvement et sont automatiquement efficaces.

Sri Aurobindo

in "Lettres sur le Yoga" Tome 2 sur 6 - Pages 1-8
publié par Sri Aurobindo Ashram - Pondichéry, Inde
diffusion par SABDA

et
publié par Buchet/Chastel
18, Rue de Condé 75006 - Paris - France



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